mercredi 1 août 2012

Rituel d'animation d'arbre protecteur dans la vallée du Khüürektig, région de Süt-Khöl, Touva

Cette page est une tentative de présentation multimédia d'un rituel réalisé en août 2006 par la chamane touva X.K. D'une durée de deux jours, ce rituel avait pour objet l'animation d'un "riche-mélèze" (baj-dyt) destiné à devenir le protecteur de la famille Xovalyg dans la vallée du haut Xüürektig (Khüürektig). L'assistance était constituée d'une dizaine de consanguins et affins habitant trois yourtes d’un même campement. Dans la partie finale, représentée ici, la chamane demande aux esprits et divinités des lieux d'animer l'arbre et d'accorder différents types de bonheur à la famille. Celle-ci doit accompagner la chamane par des acclamations.
Pour la préparation du rite, les hommes fabriquent le bûcher en coupant du bois à la hache. Les femmes, pendant ce temps, façonnent des beignets de pâte de farine et préparent du thé.

Pendant le rituel, les femmes exécutent en permanence des libations de thé au lait ou de lait, substance féminine. Une semblable répartition des tâches a été observée par E. Taube chez les Touvas de Cengel (Mongolie) : «Les fumigations sont semble-t-il une affaire d'hommes, alors que la libation quotidienne de lait au contraire est plutôt une affaire de femme.» (Die Widerspiegelung religiöser Vorstellungen im Alltagsbrauchtum der Tuwiner der Westmongolei. In Traditions religieuses et para-religieuses des peuples altaïques, 1972, Paris, PUF, p. 124). C’est toujours un homme qui doit mettre le feu au bûcher dans lequel vont être brûlés du genévrier et des nourritures solides, dont des morceaux de viande: le gras de la queue (uža) et de la poitrine (töš) d’un mouton abattu et préparé lui aussi par les hommes la veille. De cette manière, le rite fait se mêler dans l’atmosphère les substances féminines et masculines sous leurs formes respectives de gouttes de lait et de fumées chaudes. Dans le dispositif spatial du rite, l’assemblée se trouve en arc de cercle du côté ouest de l’arbre tandis que la chamane en costume chante ses invocations en battant du tambour côté est. Elle doit faire venir de l’Est un esprit protecteur qu’elle tente de convaincre puis contraint de s’installer dans l’arbre.

Invocation pour l'animation de l'arbre, par la chamane.

Ыдыктарым дилеп ор мен,
Ыдыктарым дилеп ор мен,
Ажы-төлдүң аймак-чоннуң ээзи бозун, Болзун-болзун!
Ооой!
Бай-ла шыдал ээлери болзун-болзун, ооой
Бай-ла шыдал бистиң болзун, ындыг болзун!
Бурганнарым оой!
Ооой, ыдыктаңар, оой, ыдыктаңар,оой!
"Mes Sacrés, je vous implore,
Mes Sacrés, je vous implore,
Qu'il soit le maître des enfants et de ces gens,
Qu'il le soit!
Oooj!
Qu'ils soient maîtres de la puissance, oooj,
Qu'il soit notre puissance, qu'il en soit ainsi!
Mes dieux, ooj!
Oooj, consacrez, consacrez, ooj!



La chamane imite le cri du loup.


À la fin de l’opération, lorsque la chamane affirme avoir fait descendre dans le mélèze un esprit-maître « princesse » (daŋgyna), l’assistance tourne autour de l’arbre à la suite de la chamane aux cris de Kuraj ! Kuraj  !,  afin de « retenir » (doktaadyr) l’esprit et le « bonheur » (aas-kežik). Kuraj/Huruj est une exclamation rituelle d’appel de bonheur chez les Turco-mongols. Le mot « Hourra » en serait dérivé par le russe ura.
Appel collectif du bonheur: "Kuraj! Kuraj!"


-Кадык-кежик дүшкен бе?
-Дүшкен! Дүшкен!
-Мал кежик доктаан бе?
-Доктаан!
-Аас-кежик дүшкен бе?
-Дүшкен!
-Le bonheur de la santé est-il descendu?
-Il est descendu!
-La bonheur du bétail s'est-il arrêté [ici]?
-Il s'est arrêté!
-Le bonheur est-il descendu?
-Il est descendu!





L’esprit est ainsi comme encerclé et emmuré par la masse indifférenciée de l’assistance circulant autour de lui. Pour conclure, tous les membres du groupe de parent, sans distinction d’âge ou de sexe, attachent des rubans à l’arbre devenu leur protecteur.

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